En matière de série d’espionnage française, si la référence absolue est Le bureau des légendes, il faut compter aussi avec l’excellente Au service de la France. La première nous convainc par son réalisme, tandis que la seconde privilégie un traitement parodique et drôle du genre.

 

Cette comédie d’espionnage a des airs d’OSS 117 et ce n’est pas un hasard : non seulement l’action se déroule dans les années 60, mais on retrouve à l’écriture Jean-François Halin, co-scénariste des aventures d’Hubert Bonnisseur de la Bath (et de surcroît, un des meilleurs auteurs des Guignols). A ses côtés, Jean-André Yerlès, scénariste de Fais pas ci, fais pas ça, et Claire Lemaréchal. Première série française à avoir été rachetée par Netflix, et diffusée sur Arte à partir de 2015, elle comprend pour le moment deux saisons qui se déclinent chacune en douze épisodes d’une vingtaine de minutes complètement addictifs.

La première saison met en scène le jeune André Merleaux, nouvelle recrue au service des renseignements. L’apprenti espion va apprendre l’art délicat de l’espionnage et de la diplomatie, toutes les ficelles du métier auprès des autres agents. Mais il faut savoir que ces collègues du Renseignement font volontiers passer leurs intérêts et ceux de leur pays avant leurs obligations internationales… Chacun est en charge d’une zone, avec l’assurance de la suprématie française dans le monde, mais se révèlera davantage préoccupé par ses notes de frais que par sa mission, dans ce milieu où « tout malentendu peut causer une guerre mondiale. Oui, mondiale », lui assène-t-on à répétition.

Au programme de nos agents de ce service aux prises avec les crises géopolitiques du moment, les difficultés de la France face à ses colonies. C’est le temps de la guerre d’Algérie, du Général de Gaule, de la Guerre froide où tous les coups tordus sont permis…

La saison 2 offre des incursions en territoires étrangers comme Cuba, Algérie, l’URSS ou l’Allemagne, à la faveur de missions liées aux crises internationales. Sans trop spolier, on mentionnera juste le passage sur le référendum d’autodétermination de l’Algérie, qui pose l’incompréhensible (mais véridique !) question de cinq lignes, laissant perplexes tous les personnages. De la décolonisation à la réconciliation avec l’Allemagne en passant par les Trente Glorieuses et l’émancipation des femmes : autant de sujets abordés, toujours sous un ton léger.

 La série joue malicieusement avec les enjeux géopolitiques et dresse avec brio un portrait satyrique des années De Gaulle, sans nulle fausse note. La reconstitution d’époque est impeccable et les détails bien choisis.

Outre les intrigues rocambolesques mais souvent subtiles d’espionnage, elle propose une satire mordante de l’administration française des années 60 et de ses règlements ubuesques. Elle s’en donne à cœur joie avec les moults facteurs d’inertie administrative : procédures archaïques et absurdes, protocoles zélés tels que les codes étendus et restreints, le code taupe, le tamponnage simple ou double, le remplissage incessant de formulaires… Tous ces rouages absurdes de la bureaucratie donnent lieu à des scènes comiques d’anthologie vraiment hilarantes.

C’est osé, incisif. Tout est dans la dérision, des dialogues savoureux, décalés et décapants, aux personnages truculents, de vrais phénomènes racistes, phallocrates, rétrogrades. Ce qui les rassemble : une certaine faculté à ne pas comprendre ce qui se passe autour d’eux, et surtout, les pots quotidiens ! 

A voir absolument, et on en reparle au prochain pot !

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