Depuis quelques années émergent d’excellentes séries allemandes : Chernobyl, Babylon Berlin, Dark ou Generation war, et celle dont nous avons choisi de vous parler, Deutschland 83, créée en 2015 par Anna et Jörg Winger, à qui l’on doit déjà la passionnante série Unorthodox.
Il s’agit d’un thriller d’espionnage aux accents historiques, attachant et captivant.
L’histoire démarre en 1983 alors que la tension est à son comble et que Ronald Reagan a désigné l’URSS comme l’empire du mal. Nous sommes en Allemagne de l’Est, un jeune soldat est recruté par les services secrets, la Stasi, pour espionner l’ennemi. Il est infiltré dans la base militaire ouest-allemande à Bonn, d’où il doit surveiller les projets d’armement des USA contre l’URSS, renseigner la RDA sur les risques d’une guerre nucléaire, collecter des renseignements sur les visées stratégiques américaines et celles de l’Otan. On est au cœur de la crise des euromissiles, lorsque l’OTAN, en novembre 1983, a mené des manœuvres militaires dissuasives, baptisées « Exercice Able Archer 83 », dans le but de montrer à l'URSS ce qu'il en coûterait à l'Europe d’utiliser des missiles à têtes nucléaires.
Deutschland 83 va s'appuyer sur les images d'archives de journaux télévisés, de discours et de manifestations politiques, et imagine les coulisses des événements. La série est donc fidèle au déroulement des faits, elle se sert de ce contexte historique comme cadre à un jeu d'espionnage. Nous suivons alors sa mission d'infiltration, entre tensions politiques et opérations périlleuses, avec comme enjeu la survie de notre héros. Mais loin d’une leçon d’histoire, le registre privilégié est celui du pur divertissement.
La série est ainsi un mélange très réussi d’action, de rebondissements, et de romance : efficace et très bien rythmée.
Elle rend bien l’atmosphère de cette année, marquée par la réelle crainte d’une guerre imminente, mais aussi les aspirations pacifistes d’une jeunesse qui ne veut pas connaître la guerre mais s’interroge sur le passé de ses parents. On y voit l’arrivée du Sida, la censure subie avec notamment les livres interdits qui circulent, les actes terroristes à Berlin-Ouest, les mouvements étudiants pour la paix…
Instructive, mais aussi amusante : les différences culturelles et de modes de vie entre l'Est et l'Ouest apportent des touches comiques. On ne s'ennuie pas une seconde devant cette série captivante, à la mise en scène très soignée, et qui bénéficie d’acteurs impeccables.
Mais c’est la bande-son qui constitue le premier plaisir de cette fiction. On y retrouve tout ce qui s’est fait de mieux dans les années 1980 : Bowie, The Cure, New Order, Nena et son tube pacifiste 99 Luftballons qui sert de premier habillage musical à l’histoire. C’est toute une époque qui revient, à la fois lointaine et proche.
La saison 2 est tout aussi géniale : nous retrouvons notre héros exilé en Angola. Sa tante, qui l'avait enrôlé dans la Stasi et œuvre désormais en Afrique du Sud, en plein apartheid, le recontacte pour l'aider à organiser un trafic d'armes. Entre guerres civiles, terrorisme et ultra capitalisme mafieux, cette saison débute au lendemain de l’arrivée au pouvoir de Gorbatchev en URSS. Deutschland 86 capte l’évolution des convictions communistes de ses personnages, et les confronte à des dilemmes personnels qui leur font prendre de l’épaisseur : c’est passionnant et addictif, on a hâte de découvrir la prochaine saison, Deutschland 89, prévue pour cette année…