A l’approche des fêtes, rien de tel qu’une comédie française franchement hilarante ! et pas que…
Tout simplement NOIR est le premier film de l’humoriste et rappeur Jean-Pascal Zadi, co-réalisé avec John Wax. Une comédie satirique au casting truculent, qui séduit par la qualité de son écriture et son esprit corrosif, sans jamais cacher son vrai sujet : l’identité, et la présence des Noirs dans le cinéma français.
L’histoire se concentre sur Jean-Pascal, comédien trentenaire à la recherche de rôles, qui passe des castings où il subit toutes sortes de discriminations. Il poste alors une vidéo sur internet où il exprime sa colère contre les injustices que subissent les noirs en France, et projette une grande marche de protestation à Paris, invitant la communauté noire à y participer en masse. Nous le suivons dans ses péripéties, au fil de rencontres de personnalités influentes, qui ne prennent pas toujours la tournure espérée… Il va -et nous allons- alors découvrir que fédérer n'est pas si simple.
Afin de de médiatiser son initiative, Jean-Pascal sollicite des célébrités représentant la diversité dans le cinéma et la scène française : entre autres Fary, Éric et Ramzy, Fabrice Éboué, JoeyStarr, Omar Sy, Fadily Camara, Vikash Dhorasoo, Ahmed Sylla, mais aussi Lilian Thuram, Soprano et Kareen Guiock qui tous, jouent leur propre rôle. Mais notre héros se heurte à beaucoup de difficultés lorsqu’il exprime son point de vue et se confronte aux diverses opinions des intervenants. Et c’est surtout sur ce point que le film réussit formidablement : là où en apparence un consensus serait attendu, la question d’être noir, et du racisme en général, est une question éminemment complexe. Ses interlocuteurs vont avoir des réactions surprenantes qui vont donner lieu à des scènes hautement absurdes et burlesques. Et ce qui est admirable, c’est que Jean-Pascal (à la fois le personnage et le réalisateur en l’occurrence) n’hésite pas à aller loin dans son idée, quitte à se montrer ridicule parfois, et souvent à créer un malaise.
Malaise d’autant plus fort et fécond, que la forme adoptée pour ce film est celle du documentaire parodique (mockumentary en anglais) : la caméra portée, l’équipe de télévision qui suit Jean-Pascal, les regards de ce dernier à la caméra pour interpeller le spectateur entretiennent l’illusion de réel, pour encore mieux déstabiliser. L’introduction rappelle d’ailleurs celle des films de Sacha Baron Cohen, par le biais de happening faisant le buzz sur les réseaux sociaux, et son humour à la fois subversif et jouissif.
C’est véritablement un film qui fait rire tout en questionnant, soulevant immanquablement le débat, celui de la représentation des noirs, de leurs droits et de leur place en France. Et il en souligne l’extraordinaire variété : du métis, les noirs originaires de Martinique, de Guadeloupe, des Antilles, qui se considèrent comme Français avant tout et qui sont bien souvent oubliés, les noirs issus de l’immigration plus récente et ayant une double-identité… Comment réunir sous une même bannière une communauté si hétéroclite ?
"L'origine du projet, c'est que je me suis rendu compte qu'on connaissait beaucoup l'identité noire américaine, mais pas tellement l'identité noire française. J'avais envie de questionner ce qu'était le communautarisme, ce que ça voulait dire d'être noir et français, d'être français aujourd'hui ", a expliqué à l'AFP l'acteur et réalisateur.
La saveur comique est renforcée par la naïveté touchante du héros, un héros mi-candide, mi-arrogant souvent maladroit, qui est tout sauf un penseur sur le domaine. Il veut rassembler mais se refuse à intégrer les femmes, les Arabes et les blancs à sa démarche ! Ses interventions verbales ne sont pas toujours intelligentes, ni nuancées, ce qui engendre des malentendus et aura tendance à excéder son interlocuteur, créant un comique de situation très surprenant et irrésistible.
Un des moments les plus drôles est la discussion entre Fabrice Éboué et Lucien Jean-Baptiste, qui dégénère parce que chacun revendique d’être plus noir que l’autre ! Le film est une critique du communautarisme par l’absurde, et montre que parler de communautarisme n’a pas de sens…
L’autodérision fonctionne à merveille. Le film fustige les idées reçues, s'amusant à démonter un par un tous les clichés socio-ethniques qui gangrènent notre société. Avec d’autant plus d’efficacité que chacune des séquences permet de lancer une nouvelle piste de réflexion. Il prend le temps de considérer pertinemment les divergences d’opinions, que ce soit en rapport à notre manière d’appréhender le militantisme, ou aux idées issues de la culture populaire.
Faire rire et éveiller les esprits en même temps est l’apanage des meilleures comédies … Ne manquez pas cette excellente surprise du cinéma français de cette année 2020 si particulière !