Cette série diffusée depuis 2013 sur la BBC, en France sur Arte et disponible sur Netflix, suit le parcours d’une famille de gangsters dans la très industrielle ville de Birmingham, au centre de l’Angleterre, durant l’entre-deux-guerres.

A l'origine, les Peaky Blinders sont des gens du voyage (travellers) irlandais qui veulent s'élever de leur rang social. Tommy Shelby dirige avec intelligence son clan familial, entouré de ses frères John, Arthur et Finn, sa sœur Ada et sa tante Polly.

Pour la signification, Peak, fait référence à la visière de leurs couvre-chefs, et blinders, signifie ceux qui aveuglent : ils cachaient des lames de rasoir dans la doublure de leur casquette pour viser le visage, aveuglant leurs ennemis.

La série se concentre sur les activités du gang et les luttes d'influence qui en découlent :  professionnels du racket, du trafic d’armes et de la contrebande, adeptes de corruption et de courses équestres truquées et autres méfaits en tous genres, les Peaky Blinders font régner la terreur dans la ville. L'hégémonie du clan ne manque naturellement pas d'attiser jalousies et rivalités, et les Peaky Blinders s'allient pour éconduire l’adversaire.

La série s’inscrit pleinement dans son contexte historique : les traumatismes de la Première Guerre Mondiale, la suprématie britannique endurée par l’Irlande, la guerre d’indépendance irlandaise (1919-1921), puis la montée des fascismes …

Il faut savoir que « Peaky Blinders » est le nom d’un gang ayant réellement existé dès les années 1890. Il a dominé les rues de Birmingham pendant des décennies, jusqu’aux années 1910, où il s’est fait détrôner par un gang rival, les Birmingham Boys.

Billy Kember, leader des Birmingham Boys, est d’ailleurs présent dès la saison 1. De fait, l'un des mérites de la série est de permettre, à chaque saison, la découverte de nouvelles figures historiques dont Jessie Eden, célèbre militante communiste apparue dans la saison 4, et Oswald Mosley, fondateur en 1932 de la British Union of Fascists.

On notera que son créateur, Steven Knight, connu pour ses scénarios de Dirty Pretty Things et Les promesses de L'ombre et ses films Crazy Joe et Locke, s’est inspiré des oncles de son père, les Sheldon, bookmakers faisant partie du sérail des Peaky Blinders. 

Ainsi se dessine un portrait historique vibrant, filmé dans le cadre d’une Angleterre en pleine explosion industrielle. La série explore les volets politiques et sociaux du pays des années 20, où criminalité, violence, alcoolisme et pauvreté font partie du quotidien. Nous sommes ainsi à des années-lumières de Downton Abbey avec sa campagne anglaise bucolique – autre série britannique se déroulant à la même période. Mais ne nous y trompons pas : la série est loin de se cantonner à montrer la misère : si la reconstitution est impeccable dans les moindres détails, c’est absolument superbe : la photographie, signée Cathal Watters, nous laisse apprécier des cadrages somptueux avec une couleur qui appuie sur le côté vintage, une remarquable suite de tableaux d’une beauté visuelle à couper le souffle.

Cet univers sombre est ainsi magnifié par une mise en scène grandiose qui crée une ambiance envoutante et sert une intrigue riche en rebondissements, où tout n’est pas noirceur puisque la romance y tient aussi sa place. Cette fresque historique où se mêlent guerres de gangs et conflits familiaux en acquiert une puissance remarquable. Puissance qui doit beaucoup également au charisme des protagonistes et à l’intensité du jeu des comédiens. On ne peut qu’être captivé par le leader du clan au charme magnétique : Thomas Shelby, interprété par Cillian Murphy, (Batman BeginsInception, DunkerqueSunshine…) qui apporte une profondeur et un mystère inouïs au personnage.

Enfin, la pointe de génie tient au choix de la bande son torride et moderne, aux accents très rock, qui parcourt le meilleur de la musique anglophone : Artic Monkeys, PJ Harvey,  Primal Scream, Anna Calvi, Slaves, Laura Marling, Mike Skinner de The Streets,  David Bowie, Radiohead, Iggy Pop, les Joy Division. Oui, j'en cite beaucoup, mais la musique est si importante ! Même le générique, le morceau Red Right Hand de Nick Cave & The Bad Seeds, sur lequel Tommy Shelby parcourt Birmingham à cheval dans la scène d’introduction de la première saison, est un chef d'œuvre.

Laissez-vous happer par cet éblouissant western british, rock et baroque !