Pour ce mois d’avril en confinement, nous choisissons de vous parler d’un petit film très (trop) peu connu, et pourtant si pétillant, débordant de vitalité, joyeusement ludique : la comédie musicale Sur quel pied danser .
Pourquoi ce film ? Parce qu’il nous a enthousiasmé : il fait du bien, souffle un vent de légèreté sur un thème pourtant sérieux et nous donne des envies de chanter et de danser.
Ce premier long-métrage des réalisateurs Paul Calori et Kostia Testut, sorti en 2016, tourne autour du personnage de Julie, qui cherche un travail stable et va rencontrer l’amour. Cet emploi, elle le trouvera dans une usine de chaussures de luxe. Mais l'entreprise est en danger de délocalisation, et les salariés vont se battre pour la maintenir sur le territoire de Romans. En période d’essai, Julie hésite à se joindre au mouvement. On ne vous dira pas comment la jeune fille s’y prend pour résoudre son dilemme ; faire profil bas pour obtenir son CDI, ou bien entrer dans la lutte, succomber aux charmes du beau Samy ? Sur quel pied va-t-elle danser ?...
Chaussures obligent, la lutte se fait en dansant et en chantant. Chaque moment clé de l'histoire est ainsi ponctué d'une chanson. L’usage dramatique des ballets chorégraphiés fait ainsi progresser l’action au gré des étapes de la lutte, insufflant un rythme dynamique et porté par une énergie communicative. La qualité de l'écriture musicale confère poésie et humour aux états d’âme des principaux personnages, d’autant que des grandes pointures de la chanson française sont associés à cette aventure : Olivier Daviaud et Albin de La Simone pour les airs entêtants, Olivia Ruiz, Jeanne Cherhal, Agnès Bihl, Clarika, Jean-Jacques Nyssen et Polo pour les textes. Les chorégraphies fluides et soignées de Nasser Martin-Gousset nous offrent de savoureuses scènes, les ouvrières combatives étant jouées par des danseuses professionnelles.
Le charme de ce film doit également beaucoup à son actrice principale : Pauline Etienne, déjà remarquée dans La Religieuse de Guillaume Nicloux, ou en copine branchée dans Eden de Mia Hansen-Love, elle était aussi la petite Française au Japon dans le film de Stefan Liberski, Tokyo Fiancée, et plus récemment dans la géniale série Le Bureau des légendes.
François Morel, en chef coincé entre ses ouvrières, sa secrétaire et le grand PDG qui veut délocaliser en Chine, apporte une touche d’autodérision réjouissante. Il avait déjà joué un chef d'entreprise dans la trilogie de Lucas Belvaux et puis, bien sûr, avec Les Deschiens, où il lui arrivait de diriger une entreprise de fromage. Et puis Loïc Corbery, de la Comédie Française, est irrésistible dans le rôle antipathique du patron au costume étroit venu droit de Chine ( !), charismatique et hypocrite, excellant dans l’art de la manipulation. Il est grotesquement affublé de tous les signes caricaturaux de la suffisance, de la voiture de luxe à la maîtresse.
Car oui, nous sommes dans le registre de la comédie, avec une candeur revendiquée, d’où des rapports entre employés et patrons très schématisés et des situations rocambolesques.
Une belle façon d’évoquer sans lourdeur des sujets sociaux, tel le maintien de l’emploi, la pérennité d’une marque. Le tout dans le cadre d’une véritable manufacture, au milieu des machines… L’air de rien, cette comédie nous apprend sur la fabrication d'une chaussure féminine et rend un bel hommage au savoir-faire des artisans. C’est édulcoré, mais les réalisateurs n’ont pas voulu créer un documentaire : leur intention manifeste était de nous « en chanter », selon l’expression de Jacques Demy… Et c’est réussi !
Ainsi se mêlent révolte professionnelle et idylle sentimentale, audacieusement délayés sous forme de comédie musicale, suivant les pas de Jacques Demy, à mi-chemin entre Les Demoiselles de Rochefort et Une Chambre en ville, cette dernière portant sur ce même thème des grèves et conflits sociaux, mais traité d’une manière bien plus dramatique. Le duo revisite même des classiques, comme la confrontation entre ouvrières et videurs dans un entrepôt à la manière de West Side Story, ou la scène d’atelier renvoyant immanquablement à Dancer in the Dark.
C’est simple, joyeux, sans prétention : laissez-vous emporter par cette ‘comédie musicale et sociale’, tout en restant chez vous 😉