Un bon thriller militaire français dont l’action se déroule en grande partie dans un sous-marin nucléaire, ce n’est pas commun !
Chanteraide est une oreille d’or de la Marine Nationale, un analyste en guerre acoustique : il possède le don rare de reconnaître l’origine de n’importe quel son avec une acuité exceptionnelle. Dans le sous-marin nucléaire L'effroyable, il est le seul capable de décrypter les bruits de la mer et de repérer un sous-marin ennemi. Quand ce dernier résonne, on l'appelle le chant du loup, signe d'un danger de mort. Réputé infaillible, cet opérateur essentiel, parfaitement interprété par François Civil, va pourtant mettre tout l'équipage en péril en l'entraînant dans une situation inextricable.
Le film, sorti sur nos écrans en février 2019, démarre dans le feu de l’action avec une séquence d’ouverture époustouflante de récupération en mer de militaires sortant d’une opération délicate sur les côtes syriennes. Nous voici happés dès le départ, plongés dans la mission de sauvetage, sidérés par cette première manœuvre stupéfiante de réalisme, d’une tension extrême.
Cette remarquable tension dramatique se poursuit sans relâche, grâce à deux éléments majeurs :
Le réalisme, tout d’abord, tient une place essentielle à cette réussite : les séquences en immersion, majoritaires, impressionnent par leur savoir-faire. La reproduction minutieuse et documentée de tous les protocoles, qu’ils soient gestuels ou lexicaux, ajoutée à la force des décors, les scènes étant tournées dans un véritable sous-marin, contribuent à la vraisemblance à la puissance narrative du film.
Cette efficacité dramatique est propulsée de plus par les protagonistes eux-mêmes : des militaires indéfectiblement unis par le même idéal et solidaires les uns des autres. En effet, si Le Chant du loup mise tout sur la technicité et la singularité du monde sous-marin, c’est un cinéma d’hommes. Dans le microcosme que représente le sous-marin, les rapports humains sont amplifiés. Ces hommes d’honneur, confrontés en permanence au danger et à la menace qui rôde, devront choisir entre le devoir, l'amitié et la mort. Non seulement il montre la prédominance de l'homme au milieu des machines et rend un magnifique hommage aux sous-mariniers, mais il pointe la question de la sécurité du pays et celle, centrale, de la dissuasion nucléaire, au cœur d’enjeux géopolitiques d’une complexité brûlante.
Le film ouvre ainsi une fenêtre sur un dilemme moral terrifiant, qui en fait un intérêt majeur et passionnant : le conflit fondamental, forçant à choisir entre des alternatives radicales entraînant, l'une comme l'autre, des pertes irrémédiables. Il n’hésite pas à questionner les valeurs de loyauté, d’obéissance, de devoir et de justice. Le réalisateur considère d’ailleurs son film comme « une tragédie grecque à 500 mètres sous la mer. Pas de ficelles, de faux-semblants ni de psychologisme. J'avais le réel sous la main pour mettre en scène cette dramaturgie. Le tournage a duré onze semaines et c'était très intense ».
Pour cette première réalisation, Antonin Baudry, ancien diplomate et auteur de la BD Quai d’Orsay sous le pseudonyme d’Abel Lanzac, envisageait son film comme un véritable thriller, revisitant avec brio le genre des films de guerre. Sa maîtrise du huis clos dans les profondeurs n’a guère à souffrir de la comparaison avec les références en matière de film d’action sous-marine : on pense au film allemand Das Boat (1981) et du côté du cinéma américain, A la poursuite d’Octobre Rouge et USS Alabama. Dans ce dernier, il est également question de dissuasion, d'affrontement et ultimement de décisions qui peuvent changer la face du monde.
Ici, différents coups de théâtre s’enchaînent sans surenchère avec une maîtrise rythmique remarquable : on retient son souffle, d’autant plus secoués que le Chant du loup bénéficie de la crème des acteurs français : Reda Kateb, Mathieu Kassovitz et Omar Sy, pour ne citer qu’eux. L'unique présence féminine irradie grâce à la sublime Paula Beer, pour une romance certes clichée et un peu plaquée, mais qui permet de respirer un peu après tant d’apnée et est à l’origine d’une relance de l’intrigue, et qui surtout, donnera au film un plan final superbe et déchirant.
Vous l'aurez compris, Le chant du loup est un récit de grande ampleur, une odyssée sous-marine comme on en voit peu, captivante de bout en bout et dotée d’une vraie dimension humaine : plongez !