Avec le film du mois d’août, je vous propose un voyage au cœur de l’Amérique profonde, dans le Missouri, plus précisément la bourgade d’Ebbing. Vous y rencontrerez Mildred Hayes, ancienne policière dévastée par le viol et l’assassinat de sa fille sept mois plus tôt.

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Excédée par l'incapacité des autorités à élucider ce meurtre et désireuse de faire avancer l’enquête, cette dernière emploie les grands moyens et décide d’alerter l’opinion publique en affichant des messages sur d’immenses panneaux publicitaires à l’entrée de la ville, dénonçant l'absence de résultats. Ces affiches accusatrices -couleur sang- vont devenir le centre de toutes les discussions et diviser profondément la communauté...

Three Billboards, les panneaux de la vengeance, est un drame écrit et réalisé en 2017 par l’anglo-irlandais Martin McDonagh, auteur du génial Bons baisers de Bruges (2008), qui déjà compensait la noirceur de son propos par un humour décapant. Pour vous situer, nous sommes proches de l’univers des frères Cohen, qui brille par ses nuances et où l’humour noir côtoie le drame le plus dense, déployant sa propre vision de l’humanité, dans une Amérique rongée par les codes moraux et les préjugés, où règnent les non-dits et la loi du plus fort.

De fait, ce portrait d’une communauté et d’une femme meurtrie, enfermée dans sa rage et sa solitude, n'est pas que douleur et violence : même dans les moments les plus sombres, il y a de la place pour un sens de l'humour, qui vient ponctuer le rythme, alléger l'ambiance pesante et attendrir les personnages.

Vous serez ainsi bouleversés par la sensibilité et la complexité des personnages. Mildred se révèle aussi féroce, corrosive et amère qu’attachante, magnifiquement interprétée par Frances McDormand, lauréate de l’Oscar 2018 de la meilleure actrice, que l’on avait déjà admirée dans Fargo notamment. Le film est porté par son trio d'acteurs impressionnants de justesse, avec une mention particulière pour Sam Rockwell, parfait, touchant et pathétique à la fois, en flic benêt, raciste et brutal, habité par la colère, véhiculant autant le rejet que la compassion. C’est toute l’intelligence de ce film, qui peint avec une infinie subtilité l’ambivalence des caractères.

La confrontation entre notre héroïne et d'une part le chef de la police qui se sait condamné par un cancer, et d'autre part et surtout son sous-fifre, donne lieu à un face à face épique et magistral digne des plus grands westerns.

De plus, Martin McDonagh possède un vrai sens de la mise en scène. Non seulement il filme remarquablement ses personnages, mais il sait offrir des cadres magnifiques, sublimant les étendues vertes et boisées de la Caroline du Nord. On y plonge d’autant mieux dans un immense abîme de tristesse et d’émotions. Non dénué toutefois d’'espoir. Espoir de justice. Espoir de pardon.

Savourez des dialogues ciselés, une construction admirable, un scénario qui se veut simple et efficace. L’histoire si poignante captive dès les premières minutes pour ne plus vous lâcher jusqu’au plan final, qui ose le parti pris de ne pas offrir de résolution satisfaisante à l'histoire grâce à une conclusion suspendue absolument brillante.

Un film dont on ressort ébloui. C’est tout l’art de la sublimation, du grand cinéma ! 

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Anne