Une jeune femme arrive aux urgences pour accoucher de Théo, qu’elle confie aussitôt à l’adoption. Alice attend depuis huit ans de devenir mère adoptante. Pupille est l’histoire de leurs trajets respectifs vers leur rencontre.

 

A partir d’un long travail de documentation et grâce à une savante construction scénaristique qui explore ce sujet avec minutie et avec une délicatesse bouleversante, Jeanne Herry signe un film magnifique.

La force de ce film est de montrer la multitude de destins qui interviennent dans le long processus de l’adoption : il y a d’abord cette « recueillante », douce et pédagogue, qui aide la mère biologique dans sa décision, puis chaque maillon des services de l’aide sociale à l’enfance et de l’adoption, attentif à ce qu’un lien se construise. D'un côté, les travailleurs sociaux – recueillant, coordinatrice et assistant familial –, garants de protocoles draconiens, qui prennent soin de l'enfant durant les deux mois dont dispose la génitrice pour récupérer ses droits parentaux. De l'autre, Alice, l'adoptante et son chemin périlleux, entre embûches personnelles et incertitudes, pleine de courage et de ténacité.

Jeanne Herry, pour ce deuxième long métrage après l'étonnant Elle l'adore (2014) et avant la série Mouche, rend un bel hommage au dévouement des travailleurs sociaux, soucieux et responsables, professionnels et fragiles qui s'investissent sans compter pour que l'enfant né sous X puisse trouver le bonheur. Quelle humanité dans cette chaîne de solidarité pour le bien de l'enfant, de sa naissance à sa prise en charge dans une famille d'accueil temporaire, jusqu'à son adoption définitive ! 

Mais surtout, cette intrigue chorale met judicieusement au cœur de son récit l'importance du langage pour l'enfant dès son premier jour et ce qui construit un bébé : l'attachement. Rarement dans une fiction, la psychologie du bébé n'avait autant pris corps à l'écran.

À première vue, Pupille a de quoi décontenancer : là où certains films occulteraient une bonne partie des procédures administratives entourant l’abandon d’un enfant, Jeanne Herry nous la fait vivre étape par étape. Le tout en filmant ses personnages au plus près, leur moindre réaction, leur moindre émotion.

De fait, Pupille appartient à un courant qui frôle le documentaire, où la fiction semble s’immiscer dans la réalité : comme Médecin de Campagne de Thomas Lilti, Sauver ou périr de Frédéric Tellier, Nos Vies formidables de Fabienne Godet, ou encore Réparer les vivants de Katell Quillevéré, qui montrait également toute la chaîne des intervenants. Instructif tout en assurant une vraie fiction, car le romanesque s’engouffre partout, dégageant une émotion à la fois distante et intense, sincère et naturelle, surtout grâce aux formidables acteurs : Gilles Lellouche, tout en humanité, Elodie Bouchez, éblouissante, Sandrine Kiberlain et la trop rare Clotilde Mollet qui instillent un grain de folie lunaire à leurs rôles quasi romanesques d'assistantes sociales. 

Ainsi, à la rigueur documentaire du scénario, s'ajoutent les vertus émotionnelles d'un film vivant, délicat, drôle parfois, où la douceur du regard de la réalisatrice enveloppe chaque scène : Jeanne Herry réussit un film sensible et essentiel, d’une grande finesse, plein d’humanité et de bienveillance : et c’est si beau !



Pupille