Disons le d'emblée : ce film est notre coup de cœur de l'année 2019 ! Une œuvre très forte et inoubliable. Primé de nombreuses fois, il est encore à l'affiche du Majestic pour le génial Festival Plurielles et nous l'avons déjà en DVD à la bibliothèque.

 

Premier long-métrage de fiction de la documentariste Mounia Meddour. Cette Algérienne vit depuis une vingtaine d'années en France après avoir quitté, adolescente, son pays dans les années 1990, décennie noire qui a fait entre 100 000 et 200 000 morts. Son père, le réalisateur Azzedine Meddour, y était menacé de mort.

Mounia Meddou s'est donc inspirée de sa jeunesse algéroise pour raconter l'histoire de ces quatre jeunes étudiantes confrontées à la montée de l’intégrisme dans les années 1990.

Nous suivons plus particulièrement Nedjma, 18 ans, étudiante habitant une cité universitaire, qui rêve d’être libre et de devenir styliste. Le soir, avec ses meilleures amies, elle sort en boîte de nuit, où elle vend ses créations aux "papichas", jolies jeunes filles algéroises. Cependant la situation politique et sociale du pays ne cesse de se dégrader. Refusant cette fatalité, Nedjma décide de se battre pour sa liberté en organisant envers et contre tout un défilé de mode, bravant tous les interdits.

Ce défilé a une portée symbolique colossale et apparaît comme un acte politique de résistance très fort. C'est autour du vêtement que se jouait, et que se joue toujours, le contrôle du corps des femmes. D’ailleurs, le haïk, vêtement traditionnel du Maghreb que remet en valeur son héroïne, longue tunique, mélange de soie et de laine de couleur claire, était dans les années 1960 l’habit que portaient les Algériennes pour combattre l'oppresseur, en l'occurrence le colonialisme. Il permettait notamment de dissimuler des armes.

Mais au-delà du contexte algérois, ce portrait d’une jeune fille dans un pays soumis à une guerre civile nous happe tellement et sonne tellement vrai qu’il prend une valeur universelle.

Ce film exprime magnifiquement toute la violence subie par les femmes opprimées. Citons la première scène magnifique : l’héroïne et son amie sont dans un taxi en partance pour une discothèque, vêtues et maquillées comme elles le souhaitent, quand surgit un contrôle de police : elles doivent aussitôt se couvrir de leur voile. Les visages sont cadrés de près et ce sont leurs regards qui se voilent aussi. On voit dans ces regards leur liberté piétinée. La terreur y est perceptible, brutale.

Pour autant "Papicha" n'est pas un film sombre. Par son énergie presque frénétique, sa vitalité, il est un hommage à toutes les femmes qui par leur courage et leur solidarité ont résisté à l’oppresseur en continuant de travailler, d’étudier, de sortir, parfois au péril de leur vie.

Nedjma est fascinante. Sa détermination lui donne une force incroyable et formidable, qui lui permet d’affronter les épreuves et la tragédie d’une façon vraiment admirable et bouleversante.   

Les actrices sont remarquables. Elles parlent l'algérois, ce mélange très dynamique de français et d'arabe, accentuant la vivacité des séquences. Touchantes et lumineuses, elles nous offrent des scènes sublimes.

On se laisse happer par ces plans serrés qui touchent aux corps, aux visages, aux tissus, à la matière : tout ce qui crée une sensualité presque palpable, et qui vient s’opposer à l’obscurantisme. Ce film exalte la puissance du féminin.

Une œuvre puissante et poignante : en un mot, magnifique !

Papicha

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