Après une première scène dans laquelle un chef d’orchestre vêtu d’un slip rouge se fait embarquer par la police alors qu'il dirige un ensemble dans une clairière, l'action se déroule un soir au commissariat. Un officier interroge Fugain, témoin et suspect, pour avoir trouvé un cadavre en bas de chez lui.

A priori rien que l’ordinaire...

Cet interrogatoire tourne à l’absurde, s’éternise au gré du récit de la nuit du suspect qui a fait sept aller-retours de son appartement jusqu’en bas de chez lui, et qui va devoir détailler chacun de ces va-et-vient.

L’occasion de sauts dans le temps où Fugain explique le plus calmement possible toute sa nuit, malgré la faim qui le taraude et une impatience grandissante, ainsi que de nombreuses interruptions du commissaire et de ses collègues, tous plus étranges les uns que les autres (Notons les prestations hilarantes de Marc Fraize, inoubliables d’Anaïs Demoustier, et l’apparition truculente d’Orelsan avec sa diction nonchalante).

Au poste ! est quasiment un huis clos dans un décor des années 70 ; d’ailleurs l’esthétique globale du film, le grain de l’image et les accessoires, convoquent les souvenirs de la comédie policière et du polar à la française des années 70/80, auxquels rend hommage l’affiche, directement inspirée de celle de Peur sur la ville d’Henri Verneuil.

Au poste ! revendique ses influences Garde à vue et Buffet froid pour l’atmosphère et les personnages, notamment à travers leurs dégaines et leur physique. L’action est minimale et tout se passe dans les dialogues, dans l’esprit du film Garde à Vue. Mais ici, la tension dramatique du duel Ventura/Serrault laisse place à un humour décalé. Le réalisateur joue habilement de l’exercice de l’interrogatoire pour rendre son non-sens totalement cohérent. Le spectateur se délecte de chaque situation, des quiproquos et échanges tordants.

Le réalisateur Quentin Dupieux, touche-à-tout connu sous le pseudonyme de Mr. Oizo., a déjà tourné le non moins jubilatoire Réalité (que vous trouverez également à la Bibliothèque Saint-Corneille) et un excellent premier film, Steak. Dupieux se démarque par un style très singulier qui nous plonge dans un savoureux délire mêlant réalité et fiction, délire et absurde où il ne faudra jamais chercher une explication plausible. Comme expliqué au début de son second film Rubber, le cinéaste prône la culture du non-sens. Si le film risque de décontenancer, il devrait en revanche séduire pleinement tous ceux qui cherchent l’originalité. 

Au Poste ! réserve une fin surprenante (à s’arracher les cheveux pour tous ceux qui chercheraient trop de rationalité) et réjouissante…